Monsieur Gingembre

Publié le par Marmotte

Monsieur Gingembre

C’est lors d’une formation que j’entends parler de Monsieur Gingembre. Mes collègues sont unanimes. Je réfléchis... J’ai déjà vu ce nom sur mon planning. Mais où et quand ??… Ça y est ! Je me souviens ! Il est bien sur mon planning mais je n’y suis pas encore allée puisque Monsieur a été greffé à ma tournée du week-end. En effet, nous devons chacune à l’Aquarelle, un week-end travaillé, chaque mois. Pour moi, le prochain est dans quinze jours et ce que j’entends sur Monsieur Gingembre ne me plait guère.

Il se trouve qu'il est de ceux qui sont un peu cochons-coquins et qui profitent d’avoir une jeune femme sous la main pour essayer de la tripoter ou de lui tenir des propos pour le moins tendancieux.

Avec une de mes collègues, il a commencé à se toucher et à lui dire de regarder… Cette seule pensée et me file la nausée. Bien sur, sa pathologie n’est en rien responsable à son comportement et il sait très bien ce qu’il fait !! Ma collègue m’explique en riant : "Dans ces cas là, je lui colle la douchette froide sur le zizi et ça le calme direct !". Je constate que les autres filles de la formation acquiescent d'un mouvement de tête... Cas récurant semble t-il... Une autre l'accuse d'essayer de la prendre dans ses bras ; Sa voisine raconte qu'il touche ses longs et si beaux cheveux blonds… Je suis scandalisée ! Bref, le ton est donné ; Je suis prévenue et les en remercie. Il me reste à découvrir par moi-même, le spécimen qui lui n’a rien d’un trésor !

Mon week-end de travail commence. En première heure j'interviens chez une dame que je connais très bien, Madame Tournesol. Il y a beaucoup de choses à faire mais comme nous nous connaissons bien et que nous nous apprécions, tout se passe bien, pour le plus grand bonheur de Kiwi de me voir débouler trois fois par jour durant tout le weekend !

Et ensuite… Il faut bien y aller, pas le choix. Je commence en pestant sur l’adresse, je tourne, je cherche. Il est 09h15, c’est samedi et je pense plus à mon lit qu’à autre chose. Je trouve enfin cette foutue résidence, tourne encore pour trouver le bon bâtiment. Je suis devant, j’ai la clé de chez lui. Je grimpe les trois étages à pieds puisqu’il n’y a pas d’ascenseur. J’arrive devant la porte, je reprends ma respiration un peu affolée par cet escalier, je souffle et je mets la clé dans la serrure.

J’entre dans un appartement encore plongé dans la pénombre, les volets sont fermés. J’actionne le premier interrupteur qui me tombe dans la main. Je dis d’un ton un peu sec : "Monsieur Gingembre !? ". Je l'entends me répondre de sa chambre et je m’y dirige. Je le trouve dans son lit. Je me dis que je le sortirai bien de là en le trainant par les cheveux !

Ce qui me fera vite sourire. C’est que Monsieur n’a plus de cheveux !

Il entonne : "Bon on va commencer par la douche et ensuite il faudra me faire mon petit déjeuner". Il a l’air gentil. Il dit qu’il est enchanté de me rencontrer, bla bla bla… Sauf que, du coup, je suis méfiante. Je reste distante et sèche. En moi même je rumine : Je vais te le laver moi le spécimen !

Sous la douche, je le frictionne, je le frotte énergiquement. Ah pour sûr il va briller ! D’ailleurs il réagit et dit : "Ah bah vous êtes tonique vous au moins ! ". J’éclate de rire en mon fort intérieur et je dois sûrement esquisser un sourire un peu sadique. Je ne suis pas peu fière de moi .

L’intervention se déroule dans le même esprit. C’est moi qui commande et au premier écart de conduite, je ne lui ferai aucun cadeau. Mais en fait, Monsieur Gingembre est correct et reste à sa place… Néanmoins, il me reste encore l'intervention du soir avec encore une petite toilette intime avant de le mettre en pyjama.

Je garde le cap. Nous ne sommes que samedi et il reste encore les deux passages du lendemain.

Finalement, tout le week-end se passe bien. Moi sur la réserve. Lui marchant sur des œufs. Tous mes passages se passent relativement bien. Cependant, la dernière fois, Monsieur s'est risqué à prendre une route glissante.

Il est sous la douche. Nous parlons et il dit : "... Oui enfin vous savez, depuis mon AVC, ce qui me rassure… Enfin... Non mais ce que j’apprécie…" laissant planer un silence. C'est que je le sens bien arriver le Gingembre ! Il poursuit : "… Enfin bon, vous voyez, vous savez hein… Vous n’êtes pas dupe"...

Moi, je suis plantée là, devant lui, le visage impassible et je le transperce de mes yeux agacés.

"Oui bon. Enfin, je peux me satisfaire… euhhhh... Comment vous dire …". Je l’interrompt : "Ne dites rien. Voila c’est très bien, vous êtes satisfait POINT" et je tire sèchement le rideau de douche afin qu’il finisse de se rincer. Je veux surtout lui faire comprendre qu’il a tout intérêt à ne pas poursuivre sur ce terrain.

Et, en effet, il s’arrête là. Je termine ma dernière intervention du week-end, lui serre la main vigoureusement en lui souhaitant une bonne fin de soirée.

Malgré moi, bien plus sèche que d'ordinaire, je n'ai pas dû être si méchante parce qu'il me dit au revoir en ajoutant : "Si je peux juste vous dire… Vous avez un joli sourire". Il s'est permit cela malgré la distance que je lui ai imposée mais il l'a prononcé tout en cherchant mon approbation. Je l'ai toute de même remercié. Monsieur Gingembre est resté correct et il semble me respecter. C’est parfait. Il me restera à maintenir cette distance chaque week-end.

Note : Il faut préciser que si ce genre de comportement n’est pas quotidien, il reste néanmoins fréquent. Je me demande toujours pourquoi ces "messieurs-coquins" ne sont pas repris et ne se font pas tirer les oreilles par nos supérieures puisque nous les connaissons. Un petit rappel à l’ordre éviterait bien des situations embarrassantes et nous permettrait d’anticiper notre comportement dès la première intervention (car si les collègues ne nous préviennent pas, le bureau ne le fait pas !!!). Madame-la-directrice a le devoir de protéger ses salariées et, de ce fait, un petit message du genre : "Bonjour monsieur Gingembre (au hasard), il nous a été remonté l’information concernant votre comportement inadapté face à plusieurs de nos intervenantes. En effet, nous vous rappelons que ce genre de dérives est punissable par la loi. Notez qu'à la prochaine plainte à votre encontre nous nous verrons dans l’obligation de suspendre votre dossier au sein de notre association."

Mais pour l’instant, cela n’a pas l’air d’être une priorité.

Publié dans Mes coups de gueule

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